Par Kamel M. – Un projet de résolution circulant actuellement au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, attribué à la délégation américaine, suscite une vive inquiétude chez les Sahraouis. Selon des sources diplomatiques et des représentants du Front Polisario, ce texte représenterait un recul politique et juridique sans précédent dans le dossier du Sahara Occidental, remettant en cause les fondements mêmes du processus de décolonisation reconnu par les Nations unies depuis 1963.
Ce projet, sous couvert de neutralité diplomatique, tente de redéfinir le conflit comme une simple «dispute entre parties intéressées», occultant totalement son caractère de processus de décolonisation. Il omet volontairement les résolutions 658 (1990) et 690 (1991), qui ont établi la Minurso avec pour mission d’organiser un référendum d’autodétermination. Cette omission, dénoncent les Sahraouis, loin d’être anodine, réécrit le mandat de la Minurso comme un soutien au plan d’autonomie marocain, vidant de sa substance la mission initiale.
Bien que le texte affirme soutenir le «principe d’autodétermination», il le subordonne à la souveraineté du Maroc, en présentant une autonomie interne comme «la solution la plus viable». Or, comme le rappellent les représentants sahraouis, ce concept est juridiquement incompatible avec l’autodétermination réelle, qui suppose le choix libre entre indépendance, intégration ou association libre, et non l’administration par une puissance occupante.
Le projet va jusqu’à saluer «le leadership du président Trump» dans la résolution du conflit, en référence à la reconnaissance par Washington, en décembre 2020, de la supposée souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental. Les Sahraouis y voient une tentative de normaliser une politique d’échange diplomatique – occupation contre reconnaissance – totalement contraire au droit international et à l’esprit multilatéral de l’ONU.
Autre point de discorde : le texte relègue le Front Polisario au statut de simple «partie» au conflit, sans rappeler sa reconnaissance par l’Assemblée générale (résolution 34/37) comme représentant légitime du peuple sahraoui. Cette formulation revient à placer sur un même plan l’occupant et l’occupé, niant ainsi les droits historiques et juridiques du peuple sahraoui.
Le mandat de la Minurso serait prolongé seulement jusqu’en janvier 2026, rompant avec les renouvellements annuels habituels. Cette réduction temporelle vise, selon les Sahraouis, à forcer un règlement accéléré sous l’égide du plan marocain. Pire encore, le projet envisage la transformation ou même la suppression de la Minurso si les négociations échouent, transformant la mission de paix en instrument de pression.
Enfin, le texte propose de transférer les négociations vers les Etats-Unis, écartant ainsi l’ONU de son rôle central dans le processus. Cela reviendrait à remplacer une médiation multilatérale neutre par un parrainage bilatéral engagé, Washington étant depuis longtemps perçu comme un soutien inconditionnel au Maroc.
Le Front Polisario a réagi avec fermeté. Son représentant à l’ONU, Sidi Mohamed Omar, a rappelé que «le destin du peuple sahraoui n’est entre les mains ni des Etats-Unis ni de la France, mais entre les siennes». Il a dénoncé une tentative flagrante de liquider le droit à l’autodétermination au profit d’intérêts géopolitiques.
Les Sahraouis appellent à une mobilisation contre ce qu’ils qualifient de «stratégie de clôture du conflit sans solution réelle». Pour eux, ce projet marque une tentative de clore un processus de décolonisation par la force politique, au mépris du droit international et de la volonté des peuples.
L’avenir du Sahara occidental, affirment-ils, ne peut être déterminé que par un référendum libre et équitable, et non par des manœuvres diplomatiques dictées depuis Washington.
K. M.



