Par Abdelkader S. – Depuis le départ de Bruno Retailleau du ministère de l’Intérieur, un changement de ton s’opère dans les relations entre la France et l’Algérie. La nomination de Laurent Nunez, un homme du terrain et fin connaisseur des rouages sécuritaires, marque une rupture avec son prédécesseur. Là où Retailleau s’était illustré par une rhétorique agressive et des postures électoralistes, Nunez semble vouloir renouer avec un dialogue pragmatique, notamment dans le domaine ultrasensible de la coopération sécuritaire.
Bruno Retailleau, nouvelle figure de l’extrême-droite, s’était montré plus soucieux de sa posture politique que de l’intérêt stratégique de la France. Sa gestion du dossier algérien était marquée par une dureté de façade, voire des provocations, dont l’objectif inavoué relevait moins d’une vision géopolitique cohérente que d’une communication politique à destination de sa base. Résultat : une dégradation des relations bilatérales, alimentée par des déclarations excessives et une méconnaissance manifeste des réalités diplomatiques qui ne relèvent, de toute façon, pas de ses prérogatives.
Laurent Nunez, ancien préfet et responsable du renseignement intérieur, connaît, lui, le terrain. Il mesure à quel point la collaboration avec l’Algérie, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et de surveillance des réseaux criminels est indispensable. Ce changement de cap se traduit déjà dans les discours, à savoir moins de confrontation et un effort manifeste pour retisser les liens avec Alger.
A l’Elysée, le ton change aussi. Emmanuel Macron, affaibli sur la scène intérieure et isolé à l’international, tente de corriger ses erreurs passées. Ses choix diplomatiques, impulsifs ou mal préparés, ont laissé des traces : soutien flou à l’Ukraine, positionnement ambigu sur Gaza et, surtout, rapports erratiques avec l’Algérie, pays-clé pour l’équilibre méditerranéen et les enjeux migratoires. L’Elysée semble désormais vouloir calmer le jeu. Le président multiplie les signaux d’ouverture vers Alger, conscient que la tension ne profite à personne.
Mais la politique étrangère française continue d’envoyer des messages contradictoires. D’un côté, on assiste à des gestes d’apaisement, voire de séduction, de l’autre, des coups d’éclat qui brouillent le message. L’affaire du traître Boualem Sansal illustre cette ambiguïté. En laissant planer des critiques à son encontre, certains cercles parisiens entretiennent la tension.
A force de jouer sur deux tableaux, la France risque d’y perdre davantage sa crédibilité déjà entamée. En essayant de ménager la chèvre et le chou, Paris s’isole, tandis que d’autres puissances, comme la Chine ou la Russie, consolident, elles, des partenariats plus clairs et constants avec Alger. L’heure est venue pour la France de faire un choix stratégique. Soit s’inscrire dans une relation mature avec l’Algérie, soit persister dans une politique à courte vue dictée par des logiques internes. Le réalisme de Laurent Nunez est un pas dans la bonne direction. Reste à savoir si l’ensemble de l’appareil d’Etat suivra cette ligne.
A. S.



