De Paris, Saliha Fayez — Les chiffres donnent le vertige. Selon les données publiées par l’Observatoire français de lutte contre l’islamophobie, les actes antimusulmans ont bondi de 169% au cours des huit premiers mois de 2025, comparé à la même période de 2024. Une progression fulgurante qui inquiète les responsables de l’organisme rattaché au Conseil français du culte musulman (CFCM), lesquels dénoncent une situation «alarmante», selon son président Abdallah Zekri.
Dans son communiqué, l’Observatoire souligne que ces statistiques ne reflètent qu’une partie visible du phénomène, car elles reposent uniquement sur les plaintes déposées et enregistrées par les services compétents. «Ces chiffres ne permettent pas de mesurer l’ampleur réelle des actes antimusulmans», prévient l’institution, qui craint qu’ils «donnent une vision incomplète et déformée de la réalité de la haine antimusulmane» en France.
Un constat que vient appuyer le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) : en 2024, 97% des victimes d’actes racistes n’ont pas porté plainte. Un taux de sous-déclaration massif, aggravé par le nombre élevé de classements sans suite, qui traduit, d’après l’Observatoire, une crise de confiance entre les victimes et les institutions chargées de les protéger.
Au-delà des agressions physiques ou des dégradations de lieux de culte, la haine antimusulmane s’exprime de plus en plus sur les réseaux sociaux. Les signalements effectués sur la plateforme gouvernementale Pharos sont en forte progression, note encore l’Observatoire. Mais la traque de ces contenus haineux reste complexe : «Cette haine, souvent dissimulée derrière l’anonymat numérique, demeure difficilement quantifiable», déplore un communiqué de l’Observatoire présidé par le recteur de la mosquée de la Paix, à Nîmes.
Face à cette montée des actes antimusulmans, ce dernier renouvelle son appel à la création d’une mission d’information parlementaire consacrée à l’islamophobie. Celle-ci réunirait chercheurs, élus et représentants de la société civile pour analyser les causes de cette recrudescence et proposer des pistes d’action concrètes.
«L’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit», rappelle l’organisme, qui appelle les pouvoirs publics français à prendre la mesure d’un phénomène menaçant «la cohésion nationale et les principes mêmes de la République».
S. F.



