Par Abdelkader S. – Le Conseil de sécurité des Nations unies vient une fois de plus d’illustrer les contradictions internes d’une organisation qui a perdu tout sens de cohérence politique. En adoptant une résolution prolongeant pour un an le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), tout en intégrant pour la première fois une référence explicite au plan d’autonomie marocain, l’ONU s’enfonce dans une ambiguïté diplomatique difficile à justifier.
Créée en 1991, la Minurso a pour mandat d’organiser un référendum d’autodétermination permettant au peuple sahraoui de décider de son avenir : indépendance ou rattachement au Maroc. Or, en incorporant désormais dans sa résolution le plan d’autonomie soutenu par Rabat – introduit par les Etats-Unis sur instigation de la France –, le Conseil de sécurité pose une question fondamentale : comment prétendre garantir à un peuple le droit de s’exprimer librement sur son sort tout en reconnaissant implicitement à la puissance occupante un droit souverain sur le même territoire ?
Cette démarche traduit la logique bancale d’une ONU soucieuse avant tout de ménager les équilibres géopolitiques. Pour Rabat, ce nouveau paradigme constitue une «victoire diplomatique» qui entérine le discours marocain selon lequel le Sahara serait une «partie intégrante» du royaume de Lyautey. Pour le Front Polisario, c’est au contraire une trahison du droit international et du principe de décolonisation.
Le texte adopté illustre ainsi la diplomatie du «en même temps» chère au Conseil de sécurité, qui consiste à proclamer l’autodétermination tout en en réduisant la portée, évoquer la paix sans affronter la question de la légitimité. Une posture qui, sous couvert de pragmatisme, confine au renoncement.
Cette contradiction n’est pas un cas isolé. Elle intervient dans un climat où l’ONU accumule les échecs. Le Conseil de sécurité reste incapable de faire cesser le génocide à Gaza, malgré des mois de bombardements israéliens sur la population civile. Ses appels à un cessez-le-feu ont tous été bloqués par le veto américain, et ses résolutions non contraignantes s’ajoutent à une longue liste de textes inopérants.
Le constat est sans appel. L’ONU n’est plus en mesure d’imposer ni la paix ni le respect du droit international. Les grandes puissances instrumentalisent ses mécanismes décisionnels, et l’organisation, paralysée par le système du veto, se contente d’administrer les crises au lieu de les résoudre.
Le dossier du Sahara Occidental cristallise cette perte de crédibilité. Après plus de trois décennies de présence sur le terrain, la Minurso n’a jamais organisé le référendum qu’elle était censée garantir. Chaque prolongation de mandat sans perspective politique renforce le sentiment d’un enlisement programmé.
L’ONU se retrouve ainsi dans une posture intenable : maintenir une mission qui n’accomplit pas son mandat, tout en adaptant son discours pour ne froisser ni ses Etats membres influents ni les acteurs régionaux. Ce faisant, elle trahit les principes qu’elle proclame défendre, celui de la souveraineté des peuples, de l’autodétermination et de la primauté du droit sur la force.
Cette nouvelle contradiction dans la gestion du conflit sahraoui confirme que la réforme en profondeur de l’ONU que l’Algérie réclame haut et fort devient urgente. L’organisation, conçue pour préserver la paix, s’est transformée en forum de gestion des rapports de force. Son autorité morale s’effrite à mesure qu’elle tente de concilier l’inconciliable : les intérêts stratégiques des puissances et les aspirations légitimes des peuples.
Tant qu’elle continuera à naviguer entre déclarations de principe et compromis politiques, l’ONU demeurera une institution à bout de souffle, symbole d’un ordre international fondé sur l’équilibre des puissants plutôt que sur la justice. Et, au Sahara Occidental, comme ailleurs, les peuples concernés continueront d’attendre qu’on leur reconnaisse enfin le droit d’exister selon leur propre choix.
A. S.



