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Méprisable silence

Par M. Aït Amara. – Alors que les médias britanniques ont, de façon unanime, érigé l’Algérien Samir Zitouni en héros national pour avoir sauvé des vies, en France, silence radio. Même pas un souffle dans le fracas de l’information sur l’attaque d’un train à Londres. Ce silence n’est pas neutre. Il est le reflet d’un mal plus profond, celui d’une presse française incapable de célébrer un acte de bravoure lorsqu’il porte un nom algérien.

Car enfin, quand un individu d’origine algérienne commet un crime, la machine médiatique française s’emballe. Les unes fleurissent, les débats s’enflamment, les éditorialistes se succèdent sur les plateaux pour disserter sur «l’échec de l’intégration» et «la faillite des OQTF». Mais quand un homme algérien se jette sur un assassin pour protéger des innocents, risquant sa vie pour des étrangers, plus personne ne trouve de mots. Comme si l’héroïsme d’un Algérien dérangeait le récit national que l’on préfère imposer. Le récit du migrant fauteur de troubles, jamais celui du migrant sauveur.

Le traitement médiatique de Samir Zitouni révèle une hiérarchie implicite des visibilités. En France, la dignité, le courage ou le sacrifice d’un Algérien n’intéressent guère. Ils détonnent trop dans le récit de la peur, de la suspicion et du repli identitaire que nourrissent, chaque soir, les médias dominants. L’omission devient un acte politique. Elle alimente une mythologie commode, selon laquelle l’Algérien ne peut être qu’un problème, jamais une solution. Or c’est bien un Algérien, aujourd’hui, qui a empêché un bain de sang sur le sol britannique.

Ce refus de reconnaissance s’inscrit dans une hypocrisie plus vaste. Les Français oublient – parce que leurs médias leur cachent – que leur système hospitalier survit grâce aux médecins formés en Algérie ; que des ingénieurs, chercheurs et cadres algériens nourrissent les fleurons de l’économie hexagonale ; que les universités françaises doivent à leurs étudiants algériens un surcroît de rigueur et d’excellence. La France se soigne, se forme, se développe avec la matière grise algérienne, mais se garde bien de la nommer. Pire encore, elle préfère, par la voix de ses chroniqueurs de plateau, répéter que cette même Algérie serait un fardeau.

Cette dissonance entre la réalité et le discours est vertigineuse. Elle en dit long sur la paresse intellectuelle et le biais idéologique de ces médias. Le geste héroïque de Samir Zitouni aurait pu incarner une fraternité possible, un dépassement des préjugés, un récit de courage et d’universalité. Mais cela suppose un regard lucide, débarrassé du filtre colonial qui continue de hanter les esprits français. Or, ce filtre persiste, nourri par les figures médiatiques du ressentiment – les Zemmour, les Knafo et leurs suiveurs – qui travestissent l’histoire pour la tourner en dérision.

A ce propos, la réplique cinglante de l’imam de Marseille, adressée au couple Zemmour-Knafo, mérite d’être méditée : «Votre métaphore dit beaucoup sur votre mépris et très peu sur votre culture. L’Algérie n’a pas divorcé de la France, elle s’en est libérée après 132 ans d’occupation, de pillages et de massacres. Quant à la garde des enfants, ce que vous appelez ainsi, ce sont des citoyens français, nés ici, vivant ici, contribuant ici.»

Ces mots rétablissent la vérité que les médias feignent d’oublier. L’Algérie ne doit rien à la France, c’est la France qui demeure lourdement débitrice, moralement, historiquement, humainement.

M. A.-A.