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La fabrique de l’effroi

Par M. Aït Amara – En 2019, les horloges se sont arrêtées. Le monde entier, suspendu dans un souffle, a découvert qu’un simple virus pouvait figer l’histoire. Les rues désertes, les visages masqués, les voix éteintes. Un silence planétaire, traversé de rumeurs et de peur. Le Covid-19 a révélé la mécanique d’une ère où l’angoisse se fabrique, se diffuse, se monnaye.

Et voici qu’à nouveau, on nous rejoue la même partition. «Un nouveau virus, inquiétant, aux airs de Covid», annoncent les manchettes, les plateaux, les experts à répétition. Le scénario est familier, presque trop bien huilé. L’alerte succède à l’alerte, l’écran s’allume, les regards se crispent. La peur, une fois encore, redevient spectacle.

Car depuis 2019, nous avons appris qu’un virus peut être plus rentable qu’une mine d’or. Derrière chaque pic de contamination, des actions qui montent. Derrière chaque confinement, des marchés qui s’ouvrent. Pendant que des millions d’êtres humains perdaient leurs emplois, leurs repères, parfois leur raison, d’autres voyaient leurs profits s’envoler. L’industrie pharmaceutique battait des records, les plateformes numériques transformaient l’isolement en dépendance, et les Etats découvraient qu’il est si simple de gouverner un peuple inquiet, au nom de sa propre sécurité.

Le drame, c’est que cette peur n’a plus besoin de cause pour exister. Il suffit d’un frémissement, d’une annonce, d’une image sortie de son contexte pour que la panique s’installe. Les médias dominants se font les chefs d’orchestre de cette symphonie d’angoisse. La nouvelle circule plus vite que le virus, et le doute, lui, devient suspect. Le citoyen, saturé de chiffres et de contradictions, se replie. Il obéit ou se détourne. Dans les deux cas, il se tait.

Qui tire les ficelles de cette grande dramaturgie mondiale ? La réponse n’est pas dans un complot, mais dans une conjonction d’intérêts. L’oligarchie adore la peur parce qu’elle crée des besoins nouveaux. Les médias la cultivent parce qu’elle capte l’attention mieux que n’importe quelle vérité. Et quelques experts, propulsés au rang de prophètes, y trouvent leur piédestal.

Il ne s’agit pas de nier les risques, ni d’ignorer la science. Il s’agit de refuser cette mise en scène permanente de l’effroi, cette manière de gouverner les esprits par l’alerte et le soupçon. Si un nouveau virus doit frapper, la véritable question n’est pas ce qu’il fera de nos corps, mais ce que nous laisserons faire de nos libertés.

L’humanité ne peut pas vivre éternellement sous perfusion d’angoisse. Il faut retrouver le courage de penser, de douter, de questionner ceux qui parlent trop fort au nom de notre sécurité. La peur a eu son heure de gloire. Il est temps, enfin, de lui rendre le silence.

M. A.-A.