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La DGSE et nous

Par Kamel M. – Les propos tenus par le directeur de la DGSE, Nicolas Lerner, sur une prétendue «reprise du dialogue» entre Paris et Alger relèvent davantage de l’illusion diplomatique que de la réalité stratégique. En évoquant sur France Inter, ce 10 novembre, des «signaux» venus d’Algérie en faveur d’une relance des échanges entre services de renseignement, le patron du renseignement extérieur français semble ignorer – ou feindre d’ignorer – le lourd passif qui empoisonne depuis des décennies les relations entre la DGSE et les services algériens.

Car il n’a jamais existé de véritable coopération entre la DGSE et Alger. Bien au contraire, les services français ont longtemps agi contre les intérêts de l’Etat algérien, notamment durant la décennie noire des années 1990. De nombreuses preuves existent qui révèlent le soutien implicite, voire explicite, de la DGSE aux groupes islamistes armés, dans le cadre d’une stratégie de déstabilisation visant à affaiblir l’Algérie et à peser sur son orientation politique. Ce passé encombrant, que Paris n’a jamais officiellement reconnu, continue de nourrir la méfiance des services algériens à l’égard de leur homologue français.

Cette méfiance s’est encore accrue ces derniers mois, après le démantèlement par le contre-espionnage algérien d’un réseau d’espionnage opéré par des officiers de la DGSE à Alger. L’objectif de ce réseau : réactiver des cellules dormantes liées à d’anciens groupes terroristes. Ce scandale, lourd de conséquences, a profondément choqué les autorités algériennes et rendu toute idée de «relance de la coopération antiterroriste» totalement inenvisageable. Comment, dans ces conditions, le chef de la DGSE peut-il aujourd’hui évoquer une «reprise du dialogue» sans susciter l’ironie, voire l’indignation, à Alger ?

Nicolas Lerner cherche-t-il à court-circuiter le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nunez, ancien patron de la DGSI, à la veille de son déplacement à Alger ? Ce dernier, contrairement à la DGSE, entretient des relations historiques et solides avec les services algériens, héritées de la coopération étroite entre la défunte DST (Direction de la surveillance du territoire) et l’ex-DRS, le Département du renseignement et de la sécurité. Cette relation de confiance, forgée sur des décennies de lutte commune contre le terrorisme, contraste fortement avec le soupçon permanent entourant la DGSE.

Lerner, en parlant de «signaux positifs» et de «volonté de dialogue», tente sans doute de redorer l’image d’une DGSE isolée et discréditée à Alger. Mais les faits demeurent têtus. Il n’y a jamais eu de coopération sincère entre la DGSE et les services algériens, seulement des tentatives françaises de manipulation, sans cesse dénoncées par Alger. La sortie du patron du renseignement extérieur français apparaît dès lors comme une opération de communication maladroite, voire une tentative de court-circuiter la diplomatie officielle, au risque de rouvrir de vieilles blessures jamais cicatrisées.

K. M.