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Première copulation téléphonique entre Daoud et Sansal : quand deux harkis se font courtisans

Par M. Aït Amara – Une conversation parfois suffit à révéler la servilité d’un temps, l’inclination d’un esprit ou la fidélité d’une soumission. L’échange téléphonique mis en scène entre Kamel Daoud et Boualem Sansal, et aussitôt brandi par Le Point comme un trophée journalistique, appartient précisément à cette catégorie de dialogues dérisoires que la presse parisienne érige en oracles dès lors qu’ils confirment ses mythologies algériennes.

Qu’en retenir, sinon cette déclaration ahurissante, prononcée par Boualem Sansal : «La France est l’amie de l’Algérie et c’est vous qui en avez fait un ennemi» ? En une phrase, le scribouillard de service réaffirme la posture qui le poursuit. Celle d’un esprit qui, dans son rapport à l’histoire, penche toujours du côté de l’ordre établi, comme si la victoire sur la colonisation n’avait été qu’un malentendu. Une telle sentence n’éclaire pas tant la France ou l’Algérie qu’elle ne révèle une infâme inclination : la nostalgie d’une tutelle culturellement rassurante, politiquement commode, moralement discutable.

Mais c’est lorsqu’il enjoint son interlocuteur à prévenir Paris de son arrivée – «j’arrive», suivi d’un prophétique «on va gagner» – que l’échange bascule franchement dans le grotesque. Gagner quoi ? Contre qui ? Ce pluriel martial, dépourvu de combat comme de champ de bataille, prête à sourire. On imagine mal quelle victoire se tramerait dans les couloirs feutrés où deux supplétifs, croyant guerroyer, ne font que quémander l’adoubement du sérail médiatique français.

Car c’est bien là le cœur de ce spectacle hideux. Une course effrénée vers une reconnaissance parisienne supposée octroyer légitimité, clairvoyance et noblesse. Cette quête, on la retrouve depuis longtemps chez certains «auteurs» maghrébins fascinés par la scène éditoriale française, prêts à se plier aux attentes de leurs parrains littéraires pour obtenir le laissez-passer qu’on distribue, là-bas, en échange d’un renoncement explicite. C’est à ce prix, dit-on, qu’on franchit le seuil où trône Tahar Ben Jelloun, figure tutélaire de l’assimilation littéraire heureuse.

On comprend dès lors la satisfaction avec laquelle Le Point expose cet échange. Non pour sa profondeur – inexistante de toute façon –, mais pour ce qu’il représente symboliquement. Deux faux écrivains algériens s’y livrent à une sorte de confession d’allégeance assumée, qui conforte la grille de lecture attendue : une Algérie sombre et ingrate, et quelques «éclairés» hâtifs à trouver refuge dans l’ancien centre impérial. La presse française adore ce récit, miroir flatteur d’un passé qu’elle ne s’avoue jamais tout à fait.

Pourtant, derrière cette scène se dessine le drame plus grave d’une pseudo-intelligentsia algérienne ayant troqué la complexité de son histoire contre la facilité d’une reconnaissance consommée sur place, au pied du morceau de fer qu’est l’inélégante tour Eiffel, érigée cérémonieusement en merveille du monde. Ce qu’on entend dans cet échange n’est pas la voix de l’Algérie, mais l’écho affaibli de discours répétés pour plaire.

Et si cette conversation suscite l’ironie, elle inspire surtout une réflexion douloureuse. Lorsque les mots servent à s’incliner plutôt qu’à penser, ce ne sont pas seulement ces deux écrivassiers qui s’abaissent, mais la littérature elle-même qui se trouve trahie.

M. A.-A.