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«Dialogue exigeant» avec Alger : quand Paris joue sur les mots pour maquiller sa capitulation

Par Abdelkader S. –Le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nunez, a confirmé ce jeudi matin qu’il se rendra prochainement en Algérie, marquant ainsi une nouvelle étape dans les relations complexes, entre Alger et Paris. Lors de sa déclaration, le ministre a insisté sur la volonté de la France de maintenir un «dialogue exigeant» avec son partenaire algérien, mettant un accent particulier sur le mot «exigeant». Une rhétorique destinée à la consommation médiatique, qui vise davantage à berner l’opinion publique qu’à refléter la réalité des rapports de force actuels entre les deux pays.

Car derrière cette fermeté de façade, le constat est clair : la France n’a aucun levier pour «exiger» quoi que ce soit de l’Algérie. Cette dernière a, à plusieurs reprises, démontré qu’elle ne se pliait jamais à la logique condescendante et paternaliste héritée de l’ère coloniale. En témoignent ses réactions fermes face à certaines prises de position offensantes de responsables français, et sa capacité à imposer ses propres termes dans le dialogue bilatéral.

Le déplacement de Laurent Nunez intervient dans un contexte diplomatique particulier. Quelques jours avant le procès en appel du «journaliste» français, Christophe Gleizes, actuellement emprisonné à Alger, le ministre a fait part de son souhait de le voir acquitté. Une déclaration prudente, mais lourde de symboles, alors que la libération récente de Boualem Sansal a déjà été perçue comme un geste d’apaisement de la part des autorités algériennes.

«Si cette nouvelle libération venait à se confirmer, elle pourrait constituer un second signal d’ouverture de l’Algérie, prête à renouer avec un dialogue plus apaisé avec Paris», interprète Laurent Nunez. D’autant que l’éviction de Bruno Retailleau, dont les propos insultants envers l’Algérie avaient profondément irrité Alger, semble avoir ouvert la voie à un ton plus mesuré du côté français. Les dirigeants de l’Hexagone insistent désormais sur la nécessité d’un «respect» et d’un partenariat débarrassé des réflexes postcoloniaux.

Dans ce contexte, la visite de Nunez prend une dimension stratégique. Elle intervient à un moment où la France tente de redéfinir sa position dans la région, consciente que les équilibres géopolitiques se sont profondément modifiés. L’Algérie, forte de sa stabilité politique, de sa redoutable puissance de feu, de a maîtrise inégalable du renseignement sécuritaire et de ses ressources énergétiques, est redevenue un acteur incontournable, écouté non seulement en Méditerranée, mais aussi sur la scène internationale.

Pour Paris, il ne s’agit donc plus de dicter, mais de dialoguer. Le mot «exigeant», répété par le ministre français, peut alors se lire à double sens : une exigence envers soi-même pour renouer des liens sur des bases nouvelles, plutôt qu’une posture de supériorité.

La libération de Sansal, perçue par de nombreux observateurs avisés comme une victoire diplomatique de l’Algérie, rappelle que la relation entre les deux pays ne peut progresser que dans la reconnaissance du rapport d’égal à égal. La France, désormais plus lucide sur sa marge de manœuvre, semble avoir compris qu’avec l’Algérie, il vaut mieux garder les pieds sur terre.

A. S.