Par Karim B. – «Il faut regarder à ce que la relation avec l’Algérie reparte fondamentalement de nos propres intérêts.» En prononçant ces mots, le Premier ministre français et ancien ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a levé le voile, sans fard, sur ce que la République française n’a jamais vraiment cessé d’être. Une puissance arrogante, arc-boutée sur ses privilèges, qui ne conçoit ses rapports avec les autres peuples que sous l’angle de son propre bénéfice.
Ce jeudi, à la suite du vote au Parlement d’une résolution non contraignante demandant la dénonciation de l’accord de 1968, la France officielle a donc choisi de parler clair. Mais cette clarté, si l’on y regarde bien, n’est que le masque d’un cynisme ancien. Lecornu n’a fait qu’énoncer, avec la franchise brutale du néocolon, ce que Paris pratique depuis des décennies, c’est-à-dire la gestion des relations internationales comme un marché de dupes, où la France encaisse et où l’autre paie, au propre comme au figuré.
Souvenons-nous : un Nicolas Sarkozy en goguette à Rabat, inaugurant en grand apparat la première pierre d’un tramway, sous les applaudissements de bachaghas marocains tout heureux de servir de décor. Et que disait-il alors ? Que ce projet allait être «bénéfique à la France». Pas un mot pour les Marocains, pas même la politesse de leur inventer un prétexte d’utilité. A ses yeux, Rabat n’était qu’un terrain d’affaires, une vitrine exotique où la France venait vendre ses surplus technologiques et flatter sa nostalgie coloniale.
Et que dire de ce TGV imposé à un pays nain pour relier, sur moins de 300 kilomètres, deux villes déjà reliées par la route ? Une gabegie ferroviaire, un monument d’inutilité, mais un contrat en or pour les industriels français. Voilà donc la logique à l’œuvre. L’intérêt français d’abord, toujours, au mépris de tout sens économique ou social pour le pays client.
Et maintenant, cette même France voudrait «renégocier» l’accord de 1968 avec l’Algérie, comme si elle pouvait, d’un claquement de doigts, effacer l’histoire et ramener l’Algérien au rang d’interlocuteur mineur, malléable, docile. Quelle méprise ! L’Algérie n’est pas le Maroc. L’Algérie n’est pas un protectorat en quête de tutelle. L’Algérie, héritière d’El-Mokrani, de Ben M’hidi, de ces géants qui ont refusé la servitude, n’a pas vocation à se soumettre aux caprices d’une puissance qui peine à reconnaître son passé colonial.
La France, toujours prompte à donner des leçons de démocratie et d’humanisme, doit cesser de traiter la grande Algérie comme une dépendance économique. Tant qu’elle confondra la diplomatie avec le commerce, et la coopération avec la domination, elle ne récoltera que le silence et le mépris de ceux qu’elle prétend amadouer.
Car, oui, l’Algérie a fermé les portes du dialogue, non par rancune, mais par dignité. Et face à une arrogance qui persiste depuis 1830, c’est la seule réponse possible.
K. B.


