Par Karim B. – La situation de Boualem Sansal, transféré en Allemagne à la suite de la grâce présidentielle accordée par le président Tebboune pour des raisons strictement humanitaires, a-t-elle provoqué un incident diplomatique ? A peine arrivé dans la capitale allemande, l’agent DGSE-DGED-Mossad a accordé une interview à un média français, un geste qui semble faire l’objet d’une attention particulière des Allemands.
L’Algérie ne peut pas avoir accepté de remettre le détenu aux autorités allemandes sans avoir assorti sa libération de conditions précises, en particulier sur ses prises de parole et sur la gestion de sa présence à l’étranger. Les accusations judiciaires dont il fait l’objet n’ont pas été levées, rappellent des juristes, qui soulignent que la grâce présidentielle ne constitue en rien une annulation de sa condamnation.
A Berlin, les autorités examinent-elles les implications de cette sortie médiatique, considérée comme une entorse à l’esprit des engagements conclus avec Alger ? Le gouvernement allemand se retrouve dans une position délicate : garantir les soins d’un patient gravement malade tout en respectant les termes d’un accord obtenu au terme d’échanges bilatéraux sensibles, au plus haut sommet de l’Etat.
La situation s’est envenimée après l’intervention de son acolyte Kamel Daoud, auquel Boualem Sansal a annoncé publiquement, dans Le Point, son départ «imminent» vers Paris. Cette révélation, présentée comme un «scoop», est perçue en France même comme une initiative «maladroite» susceptible de remettre en cause jusqu’à la grâce présidentielle. On parle désormais d’un calendrier «perturbé» et d’une communication «incontrôlée» autour du dossier.
Boualem Sansal demeurant aux yeux de la justice algérienne un détenu libéré sous conditions, l’Algérie conserve le droit de réclamer son extradition si elle estime que les engagements encadrant sa sortie du territoire n’ont pas été respectés. Des sources informées vont même plus loin, affirmant que les déclarations publiques de Sansal et la médiatisation de son possible départ vers la France constituent une violation claire de l’accord initial.
A Paris, la prudence domine. Si les clairons habituels – Xavier Driencourt, Noëlle Lenoir, François Zimeray et autre Pascal Bruckner – surfent sur la vague et reprennent leurs discours haineux à l’égard de l’Algérie, le Quai d’Orsay observe le dossier sans commentaires officiels, tandis que les services diplomatiques tentent d’évaluer les marges de manœuvre disponibles, indique-t-on. L’éventuelle arrivée de Sansal en France, annoncée par son entourage, n’est pour l’heure accompagnée d’aucune confirmation.
L’affaire, qui mêle humanitaire, diplomatie et enjeux judiciaires, s’impose désormais comme un test de coordination entre les capitales européennes et Alger. Et tant que les conditions exactes de la grâce accordée à l’écrivain n’auront pas été publiquement clarifiées, l’incertitude continuera d’alimenter les tensions autour de son déplacement et de son statut.
K. B.



