Par M. Aït Amara – L’annonce précipitée de l’origine algérienne supposée d’un des auteurs présumés de l’intrigant et surmédiatisé cambriolage du musée du Louvre, à Paris, n’a pas seulement défiguré un simple fait divers en une affaire politique, mais a surtout permis au cadavre politique Eric Zemmour de revenir du néant où l’avait relégué une population lasse de son écholalie raciste et xénophobe. Ce n’est ni le vol ni l’enquête qui ont captivé l’attention des médias, mais bien la supposée origine des suspects. La France, toujours en proie à ses démons identitaires, a vu ressurgir un vieil épouvantail politique, prêt à redonner de la voix. Le voilà donc ressuscité, embaumé par une poignée d’archéologues cathodiques, toujours en quête de l’instantanéité sensationnaliste.
Le retour en force de Zemmour n’est pas le fruit du hasard. L’élément déclencheur a beau être trivial – un cambriolage qui aurait dû rester une affaire de droit commun –, il a suffi que la prétendue origine algérienne d’un des suspects soit dévoilée trop rapidement pour que ce détail devienne le catalyseur d’une incantation identitaire. Le «zemmourisme», qui n’est plus qu’une marionnette de la haine ethnique et religieuse, a trouvé dans cet événement un prétexte parfait pour exhumer la vieille rengaine du «grand remplacement» et de la menace que représente l’immigration. Car, après tout, n’est-ce pas là, dans cette alchimie perverse de faits déformés et de peurs irrationnelles, que Zemmour excelle ? La machine médiatique l’a bien compris : la polarisation fait vendre, et rien n’attise mieux l’attention que l’évocation de l’Algérien comme source de tous les maux.
Mais ce n’est pas juste Zemmour qui a bénéficié de cette aubaine. La presse, encore une fois, joue le rôle de complice actif dans cette vaste opération de déstabilisation de l’espace public. Plutôt que de mettre l’accent sur la nature même du cambriolage ou de s’interroger sur les failles qui ont permis le casse du siècle, les outils de propagande ont transformé cette affaire en un festival de l’Algérie bashing, offrant à Zemmour l’occasion de se refaire une nouvelle place sur les plateaux télé qui commençaient à manquer d’appât médiatique. N’est-ce pas ce type de discours qui, malgré sa faillite électorale, lui permet encore de se faufiler dans les interstices d’un pays désabusé par les discours traditionnels ?
L’indignation de la procureure générale de Paris, qui a dénoncé les fuites délibérées, conforte la thèse d’Algeriepatriotique concernant des doutes sur l’origine et les motivations du cambriolage. Ce qui nous incite à poser cette question inlassablement : pourquoi, dans un climat aussi dégradé, ces fuites sont-elles systématiquement orientées dans une direction aussi polarisée ? Que cherche-t-on à prouver en déformant ainsi la réalité pour faire de l’Algérie, encore une fois, l’ennemi interne ? C’est là toute la déliquescence du système politique actuel qui se déploie sous le gouvernement de Macron.
Pendant que l’indu-occupant de l’Elysée s’englue dans sa lente agonie politique, ses opposants se régalent des restes du pouvoir. Eric Zemmour et la vermine de son espèce – Bruno Retailleau, Marine Le Pen, Eric Ciotti, Jordan Bardella et autre Philippe Tabarot – n’ont jamais été aussi affamés, se nourrissant d’un gouvernement en décomposition, où les larves de la droite réactionnaire trouvent leur terrain de reproduction idéal. Ces figures, qui pourtant n’ont aucune solution pour la France, continuent de jouer sur la peur et la division. En attendant, la société française s’enlise dans une crise inextricable où, à chaque événement, l’Algérie est une nouvelle fois jetée en pâture à des fins politiciennes.
La question n’est pas simplement de savoir pourquoi Zemmour, un homme en déclin, réussit à revenir sur le devant de la scène. La question est de comprendre pourquoi, dans un pays censé être épris de démocratie et de liberté, un tel personnage puisse encore prospérer, et pourquoi les institutions sont devenues si défaillantes qu’elles n’ont même plus la force d’opposer une résistance à l’intolérance. Le cambriolage du Louvre, en fin de compte, n’aura été qu’une diversion parfaitement orchestrée par ceux qui, dans l’ombre, continuent de cultiver la peur et la haine pour se donner un pouvoir qu’ils refusent de lâcher.
M. A.-A.



