Par Mohamed K. – La nomination de Laurent Nunez au ministère de l’Intérieur ne doit rien au hasard. Selon plusieurs observateurs, l’ancien préfet de police de Paris apparaît comme le profil idéal pour tenter de désamorcer la crise diplomatique qui s’est dangereusement envenimée entre la France et l’Algérie. En succédant à Bruno Retailleau, dont les déclarations provocatrices avaient mis le feu aux poudres, Nunez hérite d’un dossier hautement sensible : la restauration d’un canal de dialogue stratégique avec Alger.
Depuis plusieurs mois, les relations entre les deux capitales se sont considérablement dégradées. L’Algérie a pris la décision radicale de suspendre toute coopération sécuritaire avec la France, fermant ainsi le «robinet du renseignement» qui alimentait jusqu’ici les services français en informations précieuses sur la région du Sahel et sur les réseaux terroristes actifs. Cette rupture a plongé les services de sécurité de l’Hexagone dans une zone d’ombre qui inquiète les autorités françaises au plus haut point. Sans l’appui d’Alger, acteur clé du dispositif antiterroriste régional, Paris perd un atout majeur pour anticiper les menaces venant du sud.
Laurent Nunez, réputé pour sa connaissance fine du terrain, est conscient de la gravité de la situation. Contrairement à son prédécesseur, apparatchik éloigné des réalités sécuritaires, le nouveau locataire de la place Beauvau sait que la poursuite du gel de la coopération serait fatale pour la France. Le pays conserve d’importants intérêts économiques, diplomatiques et militaires dans le Sahel, une région désormais au cœur des recompositions géopolitiques africaines. La montée en puissance de nouveaux acteurs et la fragilisation des régimes partenaires rendent le maintien d’un lien solide avec Alger d’autant plus crucial.
En coulisses, les diplomates français espèrent que la personnalité pragmatique de Nunez facilitera une reprise du dialogue. Ancien patron de la DGSI, il connaît bien les circuits de renseignement et mesure les conséquences d’une coopération à l’arrêt. Selon plusieurs sources, il aurait déjà entrepris des démarches discrètes pour renouer le contact avec ses homologues algériens, en misant sur un discours d’apaisement et de respect mutuel.
Selon Jeune Afrique, proche des cercles du pouvoir à Paris, Laurent Nunez s’apprêterait même à se rendre à Alger à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre. Une visite hautement symbolique qui intervient au lendemain du message de vœux adressé par le président Emmanuel Macron à son homologue Abdelmadjid Tebboune, à l’occasion de la fête du déclenchement de la Révolution armée. Un geste perçu comme une tentative de relancer la confiance et de préparer le terrain à une reprise des échanges au plus haut niveau.
Mais les tensions entre Paris et Alger ne se limitent pas au champ sécuritaire. Des sujets sensibles – mémoire coloniale, circulation des personnes, coopération économique ou encore dossier migratoire – continuent d’empoisonner la relation bilatérale. Toutefois, pour l’heure, l’urgence semble être ailleurs : recréer un climat de confiance minimum.
Dans un contexte international marqué par l’instabilité et la menace terroriste persistante, la France ne peut se permettre de rester durablement brouillée avec un partenaire aussi stratégique que l’Algérie. Le pari Laurent Nunez consiste donc à faire primer le réalisme sur la posture politique. Son expérience du terrain sera-t-elle la clé d’un dégel progressif entre les deux rives de la Méditerranée ?
M. K.



