Par M. Aït Amara – En adoptant, à l’initiative du Rassemblement national, une loi dénonçant l’accord de 1968, la France ne frappe pas l’Algérie. Elle se frappe elle-même. Car derrière les apparences d’un débat diplomatique, c’est une fracture politique, morale et historique qui s’ouvre : celle qui annonce l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en 2027.
Le fameux accord de 1968, que les nostalgiques de l’Algérie française décrivent à tort comme un privilège offert aux ressortissants algériens, n’est en réalité qu’une coquille vide, pour reprendre les mots du président Abdelmadjid Tebboune. Signé à une époque où la France, sortie vaincue d’une guerre de sept années et demi, cherchait à encadrer les flux migratoires, ce texte visait avant tout à réguler l’entrée des travailleurs algériens et à limiter les droits que les accords d’Evian leur avaient reconnus. Rien d’un passe-droit, donc, mais une mise au pas diplomatique d’une population issue de l’ancienne colonie, toujours tenue à distance.
Et pourtant, depuis des décennies, chaque fois que l’extrême-droite cherche un bouc émissaire, elle exhume cet accord, le brandit comme symbole d’une prétendue «préférence étrangère». Aujourd’hui, c’est fait. L’Assemblée nationale s’en est emparée, dans une ambiance de haine feutrée, où les discours de Marine Le Pen et les silences complices du gouvernement s’entremêlent.
Car le vrai scandale n’est pas dans le vote, mais dans la complaisance du pouvoir en place. Plutôt que de défendre les principes républicains, l’exécutif a préféré jouer la partition du populisme. En reprenant à son compte les thèmes de l’extrême-droite, il espérait la contenir, mais il n’a fait que la légitimer. C’est ainsi que, sous couvert de «fermeté», la France se déshonore et prépare son propre suicide politique.
L’histoire jugera sévèrement ce moment. Non parce que l’Algérie en sort perdante – elle a depuis longtemps appris à se passer des illusions françaises –, mais parce que la France perd son âme. Ce vote est moins un acte diplomatique qu’un signe avant-coureur. L’extrême droite, aujourd’hui à la porte du pouvoir, s’avance désormais dans un couloir que le gouvernement lui a lui-même éclairé.
La droite traditionnelle, elle, n’est plus qu’un champ de ruines. Eric Ciotti, Bruno Retailleau et autre Xavier Driencourt se sont faits rabatteurs pour Marine Le Pen, troquant l’héritage gaulliste contre les oripeaux du nationalisme identitaire. Leurs voix, mêlées à celles du Rassemblement national, ne résonnent plus que d’un même écho, celui de la peur.
Alors, que fera le pouvoir finissant de Macron ? Crier victoire, au prétexte d’un vote symbolique ? Ou bien se ressaisir, enfin, pour dresser un barrage réel au parti fascisant qui s’avance ?
Ce choix, désormais, n’appartient plus aux députés, mais à tout un peuple, tant la France n’a pas besoin d’ennemis extérieurs pour se perdre. Elle suffit à sa propre défaite lorsqu’elle laisse la haine dicter sa loi et l’histoire s’écrire à rebours.
M. A.-A.



