Par Karim B. – La libération de Boualem Sansal a pris de court la diplomatie française, révélant une fois encore les limites d’une politique étrangère parisienne marquée par la condescendance, l’amateurisme et un aveuglement postcolonial. En libérant le détenu âgé et malade au moment qu’il jugeait opportun, Alger a envoyé un message clair : la souveraineté algérienne n’est pas négociable, et les manœuvres de Paris n’ont plus la moindre influence sur les décisions de l’Etat algérien.
Pendant des mois, la France a multiplié les gestes maladroits et les déclarations provocatrices à propos du cas Sansal, comme si elle pouvait encore dicter sa conduite à son «ancienne colonie». Cette attitude, empreinte d’arrogance, a fini par se retourner contre elle. Les représentants français, à commencer par l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt et ses relais médiatiques, ont si mal joué leurs cartes qu’ils ont donné l’impression de vouloir retarder la libération de Sansal plutôt que de la favoriser. Le résultat est sans appel : l’Algérie a choisi de reprendre la main, à sa manière, sans la moindre concession à la pression hexagonale.
Mais au-delà de la dimension purement symbolique, la décision algérienne est aussi un coup diplomatique habile. En orchestrant la libération de Boualem Sansal sous le signe de l’amitié algéro-allemande, Alger a délibérément contourné Paris, renforçant ses liens avec des partenaires européens plus sérieux et plus respectueux : l’Allemagne et l’Italie. Ce choix stratégique illustre la redéfinition en cours des équilibres euro-méditerranéens, où la France, empêtrée dans ses réflexes d’un autre âge, perd progressivement son influence au profit d’acteurs plus pragmatiques.
Le message envoyé à Paris est limpide. Le temps du chantage diplomatique et des injonctions moralisatrices est révolu. L’Algérie, forte de son poids diplomatique, militaire, énergétique et géopolitique, entend traiter d’égal à égal avec ses partenaires, et non plus subir les postures paternalistes venues du Quai d’Orsay. La frustration des dirigeants français est palpable, d’autant que cette libération intervient à quelques jours de l’annonce d’une visite imminente du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, à Alger. Le haut fonctionnaire français, qui comptait sans doute aborder le dossier Sansal comme un levier de négociation, se retrouve désormais privé de cet atout. Les autorités algériennes lui ont tout simplement coupé l’herbe sous le pied.
Cette séquence diplomatique confirme une tendance lourde. La France, engluée dans une vision dépassée de son rôle international, ne parvient plus à comprendre ni à anticiper les dynamiques de l’Algérie. Là où Alger avance ses pions avec méthode et souveraineté, Paris accumule les maladresses, convaincu que ses discours suffisent encore à masquer l’érosion de son influence. L’affaire Sansal n’est pas seulement une défaite symbolique pour la France. Elle illustre l’échec d’une diplomatie qui se refuse à évoluer dans un monde multipolaire.
En libérant Sansal à son heure et à sa manière, Alger a rappelé à Paris que le temps de la tutelle morale et politique est bel et bien révolu.
K. B.



