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Luis Portillo accuse le gouvernement et les médias espagnols de céder aux pressions du Makhzen

Par Nabil D. – Le 18 octobre 2025, une séquence diffusée dans l’émission de vulgarisation climatique «Aquí la Tierra», présentée sur la chaîne publique espagnole TVE, a provoqué une vive indignation dans les milieux universitaires et militants pro-sahraouis. En cause : l’affichage de la mention «Dakhla, Maroc», alors que cette ville se situe dans le territoire occupé du Sahara Occidental.

Luis Portillo Pasqual del Riquelme, économiste, universitaire et militant engagé pour la cause sahraouie, a réagi avec virulence à cette «erreur» dans une lettre ouverte relayée sur plusieurs plateformes. Il dénonce une manipulation de l’information, ou du moins une grave négligence journalistique de la part de RTVE, qu’il accuse de contribuer à une normalisation de l’occupation marocaine du Sahara Occidental.

Selon Portillo, attribuer Dakhla au Maroc n’est pas une simple imprécision géographique. Il s’agit, affirme-t-il, d’un acte de désinformation qui légitime, volontairement ou non, l’occupation militaire illégale du territoire sahraoui par le Maroc. Cette lecture s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe, marqué par des décennies de conflit, l’exil de milliers de Sahraouis dans des camps en Algérie, et l’inaction de la communauté internationale malgré les résolutions des Nations unies en faveur d’un référendum d’autodétermination.

L’auteur souligne que Dakhla, anciennement appelée Villa Cisneros sous l’administration espagnole, est aujourd’hui transformée en destination touristique de luxe, loin des souffrances de la population sahraouie qui lutte pour ses droits fondamentaux. Il critique le silence des institutions espagnoles, y compris le ministère de la Culture, pour avoir, par exemple, financé des travaux dans un collège espagnol de Laâyoune, autre ville occupée du Sahara Occidental, en la qualifiant de ville marocaine.

Luis Portillo rappelle que RTVE, en tant que média public financé par les citoyens, a le devoir de fournir une information exacte et conforme au droit international. Il déplore l’absence d’un véritable mécanisme de réclamation ou de rectification au sein de la chaîne, et accuse la direction de fermer les yeux sur ces manquements récurrents. Il cite d’autres cas où des imprécisions ou des biais auraient été diffusés par RNE, la Radio publique espagnole.

Plus largement, l’auteur dénonce une tendance croissante à l’invisibilisation de la question sahraouie dans les médias espagnols, en particulier au profit de contenus plus légers ou sensationnalistes comme les émissions culinaires ou les actualités anecdotiques. Pour lui, cette stratégie contribue à détourner l’attention du public de problématiques graves et urgentes.

Portillo va plus loin en pointant la responsabilité politique du gouvernement espagnol, en particulier celle du président Pedro Sanchez et de son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares. Il les accuse de céder aux pressions du régime marocain, qu’il qualifie de «monarque des pauvres» aux méthodes de corruption diplomatique, notamment par l’usage d’un «chéquier politique» pour influencer les décisions en Europe et ailleurs.

Il rappelle que le Sahara Occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes des Nations unies, et que son sort ne peut être décidé unilatéralement par des puissances étrangères. L’auteur cite également les multiples violations des droits humains subies par les Sahraouis dans les zones occupées, ainsi que la complicité supposée de puissances comme la France, les Etats-Unis, Israël et l’Espagne dans le statu quo actuel.

Cette lettre ouverte se veut aussi un rappel au devoir éthique des journalistes, formés pour servir l’intérêt public et non des intérêts géopolitiques. Selon Portillo, présenter Dakhla comme faisant partie du Maroc équivaut à dire que Washington est au Canada, ou que Paris est en Allemagne : une erreur géographique aussi grossière que symboliquement dangereuse.

Il conclut en appelant la RTVE à assumer sa responsabilité et à corriger publiquement cette erreur, afin de ne pas contribuer à la désinformation et à la banalisation de l’occupation du Sahara Occidental.

N. D.