Une contribution de Khider Mesloub – Aujourd’hui, dans un contexte mondial marqué par la préparation aux confrontations militaires généralisées et la propagation de l’épidémie chauviniste belliciste, nombreux sont les Etats capitalistes de l’Europe à blinder leur pouvoir par l’instauration de mesures sécuritaires attentatoires à la liberté. A aggraver les lois antisociales et durcir la dictature «ordinaire», renforcée par la caporalisation des mentalités.
Ces Etats européens se livrent à l’exécution d’un véritable «pronunciamiento» institutionnel, symbolisé par la militarisation de la société, c’est-à-dire l’emprise de la mentalité militariste (ordre, hiérarchie, respect de l’autorité, uniformisation, violence…) et le réarmement outrancier, caractérisée par la normalisation de l’augmentation exponentielle des budgets militaires au détriment des besoins sociaux.
Sur le plan de la stratégique et de la géopolitique, dans le prolongement de la crise sanitaire, orchestrée par les Etats européens, durant laquelle l’économie a été délibérément mise à l’arrêt ou, plutôt, réorientée vers la production des biens dits essentiels, entraînant une désorganisation de la production mondiale et un infléchissement vers la «relocalisation», les préparatifs de guerre accentuent et accélèrent ce processus de «démondialisation» induit par l’économie de guerre et le militarisme dorénavant généralisés dans tous les pays européens.
Le 16 octobre 2025, les pays européens ont adopté un document baptisé «Feuille de route Défense 2030». Ce document vise à transformer l’Europe entière en appareil de guerre permanent.
Ce document fixe les priorités d’armement, les budgets militaires européens à atteindre (environ 3,5% du PIB), chiffrés à plusieurs centaines de milliards supplémentaires chaque année. Pour les pays européens, il s’agit de bâtir un bouclier aérien et antimissile commun, un système spatial de défense, des flottes de drones et d’anti-drones, une capacité de combat terrestre modernisée. Les routes, ports, chemins de fer et aéroports civils seront intégrés aux corridors militaires pour transporter rapidement troupes et blindés.
Un fonds baptisé SAFE mobilisera près de 150 milliards d’euros de prêts afin de financer les achats conjoints d’armes, pendant qu’un second dispositif, ReArm Europe, pourrait drainer jusqu’à 800 milliards d’euros sur quelques années.
Ce plan de réarmement n’a rien d’une réaction ponctuelle, mais constitue une organisation permanente de la guerre. Tous les secteurs de l’économie et de la société (l’industrie, la recherche, la finance, les transports, y compris l’éducation) sont appelés à converger vers le même objectif, à savoir la militarisation de l’économie, la caporalisation des mentalités, la préparation de la guerre. Comme l’a martelé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, les pays membres de l’Union européenne entendent se préparer aux «champs de bataille de demain», conformément au livre blanc édité en mars 2025.
Les dirigeants européens justifient cette orientation par la «menace russe». Au vrai, le réarmement de l’Europe s’inscrit dans un contexte de crise économique et de processus de recomposition impérialiste mondiale.
Contrairement à ce qu’affirment les dirigeants européens, la militarisation n’a pas pour objectif la «défense du continent», amplement protégé par le bouclier nucléaire et l’OTAN, mais l’édification d’un bloc impérial concurrent dans la lutte pour la domination mondiale. Et la réalisation de ce bloc militaire nécessite la soumission totale de la société civile. Les investissements militaires pour mener les guerres à l’extérieur impliquent les sacrifices économiques à l’intérieur.
L’équipement militaire induit la réduction des dépenses publiques, notamment dans les hôpitaux et les écoles. Gel voire baisse des salaires. La mobilisation générale induit la cessation de toute activité politique dissidente, la proscription de toute contestation sociale. L’élargissement des pouvoirs de l’Etat induit également la restriction des libertés des citoyens, l’effacement des droits démocratiques.
La guerre à l’extérieur et la répression à l’intérieur deviennent les deux mâchoires d’une même tenaille politique belliciste que les Etats européens s’activent à resserrer sur l’ensemble des populations.
Derrière cette militarisation des pays européens se dissimule bien plus que la prétendue menace de la Russie. Le déclin économique de l’Europe et la perte de son leadership jouent un rôle crucial dans la militarisation croissante des pays européens pour tenter de recouvrer leur hégémonie économique et leur domination géopolitique.
Derrière les prétendues tensions militaires et oppositions géopolitiques avec la Russie se dissimule la farouche volonté du capital européen de maximiser ses profits et d’assurer sa croissance.
Aussi, pour garantir les profits des entreprises européennes, pérenniser les investissements et marchés étrangers, sécuriser l’approvisionnement en matières premières à bas prix, un appareil militaire puissant est-il indispensable pour contraindre, y compris par la guerre, certains pays réfractaires à respecter l’ordre économique impérialiste actuel favorable aux pays européens.
K. M.



