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Par Anouar Macta – Une lecture géopolitique radicale gagne du terrain : derrière l’agitation de Donald Trump, derrière ses frappes, ses menaces, ses embargos et ses emballements militaires, se dessine une matrice unique, la punition de tout Etat qui affronte Israël ou soutient ouvertement la cause palestinienne. Dans ce récit, Washington ne mène plus sa propre stratégie, il exécute une grille d’intérêts croisés, où les dossiers régionaux deviennent des prolongements des batailles israéliennes.

Le Venezuela en offre l’exemple le plus brut. Relance des opérations clandestines, raids aériens meurtriers, discussions sur l’exil forcé de Maduro. Tout cela contre un pays qui a rompu avec Israël depuis 2009 et s’est posé en défenseur militant de la Palestine. Certains ex-responsables américains, comme Lawrence Wilkerson, vont jusqu’à évoquer un rôle opérationnel israélien dans cette escalade. Une accusation impossible à vérifier, mais emblématique de cette lecture accusatoire.

La même mécanique s’étend à l’Iran, cible de bombardements massifs en juin 2025 ; à l’Afrique du Sud, traitée en paria après sa plainte contre Israël à la CIJ ; à l’Algérie, dont le soutien historique au peuple palestinien a déclenché des pressions diplomatiques et politiques ; à la Turquie, ostracisée depuis son virage pro-Gaza ; et au Qatar, dont les radars et systèmes anti-aériens américains ont été brouillés pendant l’attaque israélienne, une punition promise par Tel-Aviv pour limiter son autonomie stratégique. A chaque fois, les Etats critiquant Israël voient pleuvoir sanctions, pressions, opérations ou narratifs punitifs. Ce schéma nourrit l’idée d’une diplomatie américaine devenue le bras armé de querelles régionales qui ne sont pas les siennes.

A cette toile géopolitique s’ajoutent les fragilités personnelles de Trump, abondamment commentées : rumeurs de déclin cognitif, écarts verbaux inquiétants, appels publics à une évaluation médicale, et bien sûr l’ombre persistante du dossier Epstein, dont certains observateurs affirment qu’il pourrait constituer un levier discret sur la Maison-Blanche. Rien n’est prouvé, mais l’empilement des silences, des contradictions et des fidélités politiques nourrit les théories sur une présidence sous influence.

L’assassinat de Charlie Kirk, figure trumpiste notoire qui a exprimé sa peur d’être «éliminé» s’il s’éloignait trop du narratif pro-israélien, a jeté encore plus de combustible sur ce brasier spéculatif. Les enquêteurs ont conclu à l’acte isolé, mais dans l’écosystème idéologique du camp conservateur, ce meurtre a pris des allures de symbole, celui d’une ligne rouge invisible qu’il ne faudrait pas franchir.

La Maison-Blanche apparaît dès lors comme un lieu où les décisions stratégiques sont dictées par des influences extérieures, qu’il s’agisse de lobbies puissants, d’alliances internationales, de pressions diplomatiques ou de leviers personnels discrets. Les choix de politique étrangère – guerres par procuration, sanctions ciblées, manipulations régionales – reflètent des intérêts qui ne sont pas strictement américains. Les Etats-Unis y deviennent un instrument, entraînés dans des conflits qui ne sont pas les leurs, tandis que les priorités nationales passent derrière des logiques d’influence et de contrôle.
Et une question lourde plane sur ce récit : si l’Amérique ne commande plus totalement sa politique étrangère, qui le fait à sa place ?

A. M.