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Réponse au fils de collabo Pascal Bruckner : l’Algérie t’emmerde toi et tes semblables jusqu’à la fin des temps

Une contribution de Khaled Boulaziz – Pascal Bruckner. Ce nom sonne comme un vinyle rayé des années 80 : un peu intello, un peu rebelle, beaucoup has-been. Invité sur le plateau chic de Figaro TV – parce que, soyons sérieux, où d’autre un philosophe de salon irait-il cracher sa bile ? –, ce héros du «je défends les opprimés depuis mon appartement haussmannien» est revenu sur la grâce accordée à Boualem Sansal par le président Tebboune.

Oui, oui, grâce. Pas «libération sous pression internationale», pas «coup de com’ diplomatique», non : une grâce. Comme au Moyen-âge, quand le roi jetait un os aux chiens pour qu’ils arrêtent de japper.

Et qui jappe le plus fort ? Pascal, bien sûr. Il n’a pas hésité – oh non, jamais il n’hésite – à pointer du doigt la retenue du gouvernement français. La retenue. Ce mot qui, dans la bouche de Bruckner, sonne comme une insulte. Comment ? La France, cette grande nation des droits de l’Homme (de 1789 à 1954, précisons), a osé ne pas faire la guerre à l’Algérie pour un écrivain ? Horreur ! Trahison ! Où est passé l’esprit de Guy Mollet ?

Mais attendez, la perle arrive. Ecoutez bien, c’est du Bruckner pur jus : «Macron m’a demandé de ne pas monter au créneau pendant un dîner organisé fin septembre à l’Elysée. Il y a 30 témoins qui pourront le dire.»

Trente témoins. Trente. Pas vingt-neuf, pas trente-et-un. Trente. Comme les trente deniers de Judas, sans doute. Imaginez la scène : chandelles, petits-fours, Macron en smoking, Bruckner en chemise ouverte (parce qu’il est engagé, vous comprenez), et le président qui se penche vers lui, l’air grave : «Pascal… s’il te plaît… ne fais pas de vague. Pas maintenant. Pas avec l’Algérie. J’ai des contrats gaziers.»

Et Bruckner, les yeux humides, la fourchette en suspens au-dessus de son foie gras : « Mais… Boualem ! La liberté ! L’islamisme ! Mon père !»

Oui, son père. On y vient. Parce que derrière chaque croisade de Bruckner, il y a toujours ce fantôme en uniforme Siemens. René Bruckner, ingénieur des mines, antisémite patenté, qui a devancé le STO – oui, devancé, comme on devance un bus, mais pour aller bosser à Berlin en 1942. Pendant que les Français étaient déportés, papa Bruckner installait des machines-outils à Vienne. Classe. Et le fiston ? Il passe sa vie à expier. A crier plus fort que les autres. A se faire le porte-voix des «causes perdues» pour que personne ne regarde trop dans le rétroviseur familial.

Revenons à notre dîner. Macron, donc, supplie Bruckner. Pas un ministre, pas un conseiller, pas un obscur diplomate : le président en personne. Parce que, évidemment, quand l’Algérie arrête un «écrivain», la première personne qu’on appelle, c’est Pascal Bruckner. Pas Amnesty. Pas Reporters sans frontières. Pas la famille de Sansal. Non : Bruckner. L’homme qui a écrit Le Sanglot de l’homme blanc – ironique, non ? – et qui passe son temps à pleurnicher sur les «civilisations en péril» depuis son bureau avec vue sur la Seine.

Et lui, qu’a-t-il fait ? Il a obéi. Il s’est tu. Il a rangé sa plume. Il a laissé l’Allemagne – oui, l’Allemagne, ce pays qui a un peu d’expérience en matière de totalitarisme – négocier avec Tebboune. Frank-Walter Steinmeier a appelé, Tebboune a gracié, Sansal est sorti. Fin de l’histoire. Mais non. Pour Bruckner, c’est le début du martyre.

Sur le plateau de Figaro TV, il se lamente : «J’ai été muselé ! On m’a empêché de parler ! Moi, le défenseur de la liberté !»

Pauvre chou. Imaginez : un dîner à l’Elysée, du champagne, des ambassadeurs, et lui, obligé de se taire. C’est pire que la Gestapo. C’est pire que la prison de Tazoult. C’est… l’humiliation suprême.

Pendant ce temps, en Algérie, on rit. On rit beaucoup. Parce que pendant que Bruckner jouait les résistants de salon, la vraie diplomatie effectuait son travail. L’Allemagne a parlé. La France a fermé sa gueule – pour une fois. Et Sansal est sorti. Pas grâce à une tribune dans Le Point. Pas grâce à un tweet rageur. Pas grâce à Bruckner qui serait «monté au créneau» [expression favorite des intellectuels qui n’ont jamais vu un créneau de leur vie], non. Grâce à un coup de fil discret. Grâce à des négociations. Grâce à du gaz, peut-être. Grâce à des intérêts. Grâce à la vraie politique. Pas celle des plateaux télé.

Mais Bruckner, lui, a besoin de son quart d’heure de gloire. Il a besoin de dire : «J’étais là. J’aurais pu tout changer. Mais on m’a bâillonné.» Trente témoins, qu’il dit. Trente. On imagine la scène : les convives, la bouche pleine de caviar, hochant la tête : «Oui, Pascal, c’est vrai, Emmanuel t’a supplié.» Pendant que les serveurs remplissent les verres et que personne n’écoute.

Et Sansal ? Il est libre. Pendant que Bruckner, lui, continue de hurler dans le vide. Parce que c’est ça, le fond du problème. Bruckner a besoin de l’Algérie comme punching-ball. Il a besoin d’un ennemi. D’un «régime autoritaire». D’un «islamisme rampant». D’un «totalitarisme vert-de-gris». Parce que sans ça, il n’est rien. Juste un fils de collabo qui essaie d’effacer la tâche avec des grands mots.

Son père a collaboré avec les nazis ? Lui, il combat les «nazislamistes». Son père haïssait les juifs ? Lui, il défend Israël à chaque page. Son père a bossé pour Siemens ? Lui, il accuse l’Algérie de tous les maux. C’est du Freud à deux balles. De la psychanalyse de comptoir. De l’expiation en kit.

Et nous, en Algérie, on regarde ça avec un mélange d’amusement et de lassitude. On a vu pire. On a vu la France bombarder des villages en 1958. On a vu les islamistes égorger des gosses dans les années 90. On a vu les sanctions, les ingérences, les leçons de morale. Et aujourd’hui, on voit Bruckner. Un type qui se prend pour Soljenitsyne mais qui n’a jamais passé une nuit en prison. Un type qui accuse l’Algérie de «dictature» mais qui dîne à l’Elysée. Un type qui pleure sur la «liberté d’expression» mais qui n’a jamais risqué sa peau pour une idée.

L’Algérie, Bruckner ? Elle t’emmerde. Profondément.

Elle t’emmerde avec ses millions de morts qui ont chassé la France coloniale – ces morts que tu oublies quand tu parles de «retenue».

Elle t’emmerde avec ses intellectuels qui écrivent sous la menace, pas dans des lofts parisiens avec vue sur la Seine et subventions du CNC.

Elle t’emmerde avec sa mémoire des collabos français – oui, français – qui, comme ton père, ont préféré Siemens à la liberté.

Alors oui, Pascal, garde tes larmes. Garde tes «trente témoins». Garde ton dîner. Garde ton silence imposé.

L’Algérie n’a pas besoin de toi. Elle a libéré Sansal quand elle l’a voulu. Elle l’aurait remis dedans si elle l’avait voulu. Et demain, elle fera ce qu’elle voudra. Sans demander l’avis de Paris. Sans demander l’avis de Berlin. Et surtout, sans demander ton avis à toi.

Tu dis que Macron t’a muselé ? Tant mieux. Pour une fois, la France a eu raison de se taire. Et toi, Pascal, retourne à tes livres. A tes tribunes. A tes dîners. A ton petit théâtre. L’Algérie, elle, continue de vivre. Sans toi. Malgré toi.

Et franchement, elle s’en porte très bien. L’Algérie t’emmerde, Pascal Bruckner et tes semblables jusqu’à la fin des temps. Et elle le dit avec le sourire. Et la mémoire longue.

K. B.